Histoire de la traduction juridique

16 Sep 2019 | CG Traduction

L’histoire de la traduction en général nous ramène au IIIe siècle avant notre ère, lors de la création de la Septante, c’est-à-dire la transposition de l’Ancien Testament de l’hébreu en grec. L’histoire de la traduction juridique est plus récente, car elle a dû attendre la rédaction des premiers corpus de lois écrites. Elle n’a commencé à véritablement se développer qu’au milieu du XXe siècle, grâce au multilinguisme et à l’essor des relations internationales.

Les prémices de la traduction juridique en Europe et en Orient

Jusqu’au milieu du Ve siècle av. J.-C., le droit romain est oral. À la suite de dissensions politiques entre les praticiens et les plébéiens, les pontifes décident de codifier les principales lois de Rome. Il s’agit de la loi des Douze Tables. Selon certains historiens, elle aurait été rédigée grâce à une traduction en latin des lois de Solon, un décalogue écrit en grec par l’un des fondateurs de la démocratie athénienne. Il s’agirait de la première référence historique à la traduction juridique.

Il ne s’agit toutefois que d’un texte légal applicable aux citoyens romains. Les populations des territoires occupés par Rome sont soumises aux édits des préteurs pérégrins, dont l’activité jurisprudentielle prolifique donne lieu à plusieurs codifications. Ces textes sont rédigés en latin. Or, la langue utilisée dans l’Empire romain d’Orient est le grec. Beaucoup de traductions en grec voient donc le jour, semant la confusion. Une traduction officielle est finalement réalisée au IXe siècle. Il s’agit du Basilica. C’est la seconde référence historique à une traduction légale dans l’Empire romain.  

Dans l’Empire romain d’Occident, où la langue des notables est le latin, la traduction des textes latins est faite plus tard. En France, certains codes romains sont traduits à la demande de Louis IX, au cours du XIIIe siècle. Pourtant, l’usage du latin dans les cours et tribunaux perdure jusqu’au XVIe siècle, lorsque François 1er le remplace par le français.

Le développement de la traduction juridique au Canada

L’évolution des méthodes de traduction a aussi été influencée par les États bilingues, très tôt confrontés au problème de la transposition des lois. Le cas du Canada est très intéressant pour appréhender les difficultés rencontrées par les traducteurs juridiques. Jusqu’en 1867, les lois canadiennes sont rédigées exclusivement en anglais. Leur traduction en français a ensuite été imposée.

Elles sont d’abord traduites par des linguistes sans spécialisation légale, et n’ayant pas accès au rédacteur de la version originale. Sans une compréhension approfondie du droit, ces traducteurs créent des ambivalences, ou bien renforcent celles présentes dans les textes originaux. Parfois, le linguiste, confronté à ce qu’il considèret comme ambigu, revêt un rôle de législateur en le résolvant selon sa propre compréhension du texte. Dans d’autres cas, il se limite à une traduction littérale, inadaptée aux notions juridiques. En conséquence, les versions francophones des textes sont souvent rejetées par les tribunaux pour leur absence de fiabilité, en dépit de la règle d’égale autorité.

Ce n’est que dans les années 1970 que le Canada se dote d’une véritable méthode de transposition des textes juridiques, pour en améliorer la qualité :

  • la corédaction, qui consiste à écrire les deux versions linguistiques des lois en même temps,
  • et la traduction interactive, qui s’éloigne de la traduction littérale pour prendre en compte l’esprit du texte.

Grâce à cette dernière, le traducteur spécialisé travaille en concertation avec le rédacteur législatif, afin d’éliminer les incertitudes et d’élaborer une version fidèle à l’original.

La traduction juridique de nos jours

Le besoin de transposer des textes juridiques dans une langue cible a fortement augmenté au cours de la seconde moitié du siècle dernier, sous l’influence de la construction européenne et de la mondialisation des échanges économiques. Les textes légaux ne sont plus les seuls concernés. Actes de vente, contrats de franchise, contrats de travail… la traduction juridique a investi le domaine professionnel et privé.

Les traducteurs-juristes ont profité de l’avancée des méthodes de traduction, notamment la localisation qui inclut la dimension culturelle dans l’exercice. Faute d’équivalence parfaite entre les notions de deux systèmes légaux différents, ils se sont attachés à rechercher l’équivalence des documents dans leur ensemble, plutôt que celle des mots.

Le traducteur juridique ne peut plus se contenter d’être un linguiste chevronné. Il doit être un expert en droit, capable de comparer les notions des systèmes légaux auxquels il est confronté.